Trupa Taxi, le poil à gratter de la société roumaine

25 Avr

Par Mehdi CHEBANA

Créé en 1999, Trupa Taxi – ou Taxi – est l’un des groupes de pop-rock les plus populaires de Roumanie. Entre deux chansons à l’eau de rose, il enregistre régulièrement des morceaux qui bousculent les Roumains. Le dernier en date :  Despre smerenie.

Taxi

Publié le 25 avril 2016 sur Roumanophilie

L’Eglise orthodoxe peut-elle appeler à la mesure tout en érigeant des édifices pharaoniques ? Le groupe emmené par Dan Teodorescu rouvre bruyamment le débat avec sa chanson Despre smerenie (A propos d’humilité), sortie début avril 2016. Dans le viseur : la Cathédrale du Salut de la Nation roumaine. Il s’agit d’une cathédrale de 125 mètres de haut, qui pourra accueillir jusqu’à 6 000 fidèles et dont la construction a commencé en 2011 juste derrière le gigantesque palais du parlement à Bucarest. Coût estimé du projet : au minimum 100 millions d’euros.

Au début de la chanson, le narrateur se rend à la cathédrale pour y trouver Dieu. « J’ai beau l’avoir cherché dans les salles polyvalentes, dans les douze ascenseurs, dans le parking souterrain, dans les dépendances, je ne l’ai pas trouvé », lance-t-il. C’est finalement dans une église en bois du cœur de la capitale qu’il fera, quelques vers plus tard, une rencontre divine. Et d’entonner alors ce refrain : « Dieu préfère le bois, le bois et les petits espaces »…

En plein carême pascal, le texte de Taxi déchaîne les passions. Ses détracteurs s’offusquent par milliers sur les réseaux sociaux, dénonçant un « message anticlérical » ou se demandant comment « un groupe qui a gagné beaucoup d’argent peut être légitime » à appeler à la mesure. Plusieurs personnalités ont aussi apporté leur touche au débat. C’est le cas de George Becali, le sulfureux propriétaire du Steaua Bucarest, pour qui « Dieu est partout et tu peux le trouver partout » ou du métropolite Andrei de Cluj qui répond qu’une « cathédrale n’est pas un attentat à l’humilité ».

Même certains artistes ayant participé au tournage du vidéoclip – qui a été vu plus de 500 000 fois sur internet en trois jours – ont pris leurs distances avec le projet. Parmi eux, le chanteur Grigore Leşe. « Le problème, ce n’est pas le morceau en soi mais la manière dont les gens l’ont interprété », se justifie-t-il. Et d’ajouter : « je n’ai rien contre l’Eglise ni contre la Cathédrale de la Nation alors j’ai décidé de me retirer. » Après ces réactions, les membres de Taxi ont décidé d’enlever leur vidéoclip de la plate-forme Youtube. 

Pourtant, le texte a aussi reçu le soutien de milliers d’autres internautes et personnalités. Par exemple, celui de l’écrivain à succès Mircea Cărtărescu qui y voit « une simple poésie chantée qui ne réclame pas l’arrêt des travaux et n’offense la foi de personne ». Même le Patriarcat de Roumanie, par la voix de son parte-parole Vasile Bănescu, semble voler au secours de Taxi. « Il ne s’agit pas d’une chanson antichrétienne ou antireligieuse mais du point de vue d’artistes qui expriment leur goût et leur préférence pour un certain type d’architecture ecclésiastique », estime-t-il.

Textes engagés et chansons d’amour

Depuis sa création en 1999, Taxi sort régulièrement des chansons engagées qui invitent les Roumains à la réflexion, à l’autocritique. Dans Comunitaru’, il dénonce par exemple le sort des chiens errants à Bucarest. « Castrez-moi, castrez-moi ou si vous voulez, euthanasiez-moi, vu que votre principal problème, c’est clair, c’est moi le chien communautaire ! » Dans Americanofonia, le groupe s’attaque à l’invasion des anglicismes dans la langue roumaine : « nous sommes anglophones, américanophones, nous sommes des bou-bou-bou-bou-fons ! »

En 2004, en pleine campagne présidentielle, il égratigne les élites avec un album baptisé Politica. On y trouve la chanson Să plouă où il invoque la pluie pour laver la Roumanie de la corruption, « qu’elle s’abatte sur le Sénat, l’Assemblée, les mairies, le gouvernement, les banques, la justice, la police ». Plus récemment, dans Citez din Tupac,Taxi s’en prend au conformisme de Roumains qui s’habillent, mangent, font l’amour, se divertissent tous de la même façon; et ne citent pas Socrate, mais 2 Pac …

Mais le groupe emmené par Dan Teodorescu, un ancien ingénieur en mécanique, sait aussi adoucir les mœurs. Plusieurs balades figurent ainsi dans les neuf albums studios qu’il a sortis à ce jour. Parmi elles, Luna qu’il a défendu à l’Eurovision en 2000, obtenant une décevante 17e place. En 2007, il sort aussi l’album Romantica qui comprend Te caut în toate femeile ainsi que 11 autres chansons d’amours. Ea înca ma iubeşte, Probleme de mémorie, Cineva înaînta ta sont d’autres balades devenues très populaires. Taxi un empêcheur de tourner en rond, sauf quand il s’agit de danser des slows.

Les « chauffeurs » de Taxi

Dan Teodorescu – chant, guitare acoustique
Kerezsi Csongor – guitare basse
Cantemir Neacșu – guitare solo
Darius Neagu – percussions
Mugurel Coman – clavier
Vicky Albu et Daria Corbu – chant

Le site officiel de Taxi

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