Par Mehdi CHEBANA
Rien ne va plus ! Un siècle après son inauguration en grande pompe par le prince Ferdinand, le casino Art-nouveau de Constanța a des allures d’épave. Plus de sept millions d’euros sont nécessaires pour lui redonner son éclat. Mais les imbroglios administratifs et judiciaires se succèdent, retardant toujours plus le début des travaux.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)
Publié le 14 mai 2016 sur Roumanophilie
L’emblème du plus grand port roumain sur la mer Noire est à l’abandon depuis 2010. Le temps et les assauts du vent usent la façade, brisent les vitres une à une et attaquent la ferronnerie. A l’intérieur, les murs se fissurent, la peinture s’écaille, les boiseries s’abîment. La plupart des meubles ont été retirés mais les lustres restent suspendus pour rappeler le faste d’antan.
Il faudra au moins sept millions d’euros (31,6 millions de lei) et sept ans de travaux pour permettre à cet édifice classé de faire peau neuve. Le prix d’un rêve que partagent les 280 000 habitants de Constanța. Ils sont las d’assister au spectacle de sa dégradation au beau milieu d’une digue où ils adorent se promener.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)
La Compagnie nationale pour l’investissement, qui dépend du ministère roumain du Développement régional, leur donne aujourd’hui un nouvel espoir en relançant un appel d’offres qui avait été suspendu l’an dernier. Des entreprises qui avaient été écartées avaient en effet déposé des recours devant la justice. Mais celle-ci vient de les rejeter. La nouvelle date butoir est fixée au 27 juin prochain et les travaux pourraient, selon la presse roumaine, débuter à l’automne.
Se rapproche-t-on pour autant de la fin du naufrage ? Pas si sûr, selon Radu Cornescu. Le 11 avril dernier, cet architecte a lancé une pétition pour réclamer au gouvernement le démarrage « immédiat » du chantier. « Un nouvel appel d’offres n’empêchera pas l’apparition de nouvelles contestations », peut-on lire dans cette pétition qui a recueilli 13 000 signatures à ce jour. « Ce jeu est parfaitement légal et peut repousser indéfiniment la rénovation du casino et sa réappropriation par le public. C’est pour cette raison que nous, les habitants de Constanța, et pas seulement, nous devons unir nos forces. »

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)
Un bijou de l’Art-nouveau
De temps en temps, l’édifice ouvre encore ses portes au public. C’est par exemple le cas le 14 novembre à l’occasion de la journée de la Dobrogea. Pour réussir sa visite, il faut beaucoup d’imagination. Oublier l’édifice en ruine pour retrouver l’ambiance fastueuse qui régnait là au début du XXe siècle.
Fermez donc les yeux et imaginez des clients endimanchés venus de toute la Roumanie et de l’étranger pour jouer de l’argent, assister à des concerts, manger, danser ou pourquoi pas trouver l’amour. Le tout dans un temple de l’Art-nouveau surplombant la mer, faisant la part belle aux courbes et aux grandes ouvertures, avec du mobilier en bois, des lustres et des éléments de décor colorés et inspirés de la nature.
Construit en 1909 sur les ruines d’une ancienne salle de spectacles, le casino de Constanța est l’oeuvre de l’architecte suisse Daniel Renard. Il est inauguré en grande pompe le 15 août 1910 en présence du Prince Ferdinand S’ouvre alors une histoire aussi fascinante que tumultueuse.

Le casino au début du XXe siècle
L’édifice a servi d’hôpital à la Croix rouge en 1916 et de quartier général à l’armée allemande en 1941. Frappé par des bombardements au cours des deux guerres mondiales, il a été restauré, agrandi, réaménagé à chaque fois. En 1947, les communistes l’ont transformé en Maison de la culture des syndicats pour finalement le passer sous l’administration de l’Office national du tourisme à partir de 1960.
En 1986, les derniers grands travaux de rénovation sont entrepris par un collectif d’artistes plasticiens. Depuis, le casino de Constanța n’a cessé de changer de mains et aucun projet de réhabilitation n’a abouti. Pour montrer l’ampleur des dégâts, le quotidien britannique The Daily Telegraph a publié le 12 mai 2016 un diaporama photo édifiant.
quelle tristesse… c’est la grande ville la plus à la dérive de tout le pays alors qu’elle aurait beaucoup à offrir