En Roumanie, même le cheval a bon dos

11 Fév

Par Mehdi CHEBANA

Traditionnellement, les Roumains ne sont pas friands de viande de cheval

POINT DE VUE. A l’heure où j’écris ces lignes, on sait peu de choses sur le fournisseur roumain accusé par la société française Spanghero d’avoir fourgué en douce de la viande de cheval en lieu et place de boeuf pour la fabrication de lasagnes surgelées.

Aucune information sur son nom et l’emplacement des deux abattoirs dont proviendrait la viande chevaline. On ignore également s’il a falsifié des documents avant d’exporter la marchandise où si d’autres intermédiaires des Pays-Bas à Chypre ont pu eux-mêmes commettre une infraction de ce type. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes au Royaume-Uni, où le scandale a éclaté vendredi dernier, mais aussi en France et en Roumanie.

En attendant le résultat de ces enquêtes, la presse européenne a désigné, plus ou moins sciemment, son coupable provisoire : le méchant « fournisseur roumain ». C’est ainsi à Bucarest – pas à Chypre, ni aux Pays-Bas, ni au Luxembourg – que les équipes de télévision françaises et britanniques débarquent les unes après les autres sans trop savoir par quel bout traiter l’affaire, ni où poser leurs caméras. D’autres médias, comme le tabloïd britannique The Sun, jouent sur la peur des consommateurs en soutenant que « les chevaux roumains sont souvent frappés par une maladie incurable qui correspondrait au sida chez les êtres humains ».

Certes, la Roumanie – où précisons-le, on ne mange pas de cheval – est l’un des plus grands exportateurs de viande chevaline en Europe. Une viande qui reviendrait à 2,2 euros le kilo contre 3,7 euros pour la viande de boeuf et que l’on mange dans certains restaurants d’Europe de l’Ouest. Mais la plupart du temps, ce commerce est tout à fait légal et conforme à la législation européenne.

Rien ne dit que le fournisseur roumain incriminé soit coupable. Après tout, avant d’arriver dans les micro-ondes britanniques, ces lasagnes « au cheval » ont été cuisinées – pardon – fabriquées et conditionnées à Chypre, aux Pays-Bas, au Luxembourg et en France. La chaîne de fabrication et de distribution est suffisamment vaste et complexe pour qu’une infraction, voire une simple erreur, ait pu être commise ailleurs.  Bien sûr, rien ne dit non plus que le fournisseur roumain soit innocent.

Cette fable que l’on pourrait intituler « Le cheval, le boeuf et le bouc (émissaire) »  s’écrit sous nos yeux dans une Europe où le mot « roumain » est de plus en plus utilisé comme un synonyme de « voleur », de « filou », « d’envahisseur », de « coupable a priori »…

9 Réponses to “En Roumanie, même le cheval a bon dos”

  1. Antonin 11 février 2013 à 14:48 #

    Merci pour ce point de vue Mehdi. Tout à fait d’accord.

  2. Ion Marin 11 février 2013 à 17:36 #

    tres juste vu
    les mots qu’il fallait

  3. Jacques 12 février 2013 à 05:16 #

    Peut-être l’Homme est-il ainsi fait qu’il ait besoin de boucs émissaires. C’est sa faiblesse, qui engendre bien des malheurs, bien triste pour notre orgueil humain. Mais la presse ? Que fait-elle la presse, dont la mission devrait être de nous aider à prendre du recul et dépasser cette faiblesse ? Elle participe à la curée, disons pour une large part afin de laisser place à un peu d’espoir. Vous êtes dans la petite part qui reste, Monsieur Chebana. Merci de ce point de vue sur l’affaire qui n’est malheureusement pas une fable. Et votre clin d’oeil à notre bon La Fontaine nous montre que, malgré toute notre science, notre démocratie, notre liberté de la presse, notre éducation nationale… les leçons de l’Histoire et nos vaines prétentions, rien n’a changé dans notre Humanité depuis les trois siècles écoulés.

  4. Gérard Luçon 12 février 2013 à 05:51 #

    Bonjour Mehdi, je vis en Roumanie depuis assez longtemps et ai ecrit en 2011 un article, il vient (enfin) d’interesser les medias francais, mais pas tous, il a aussi ete mentionne dans LPJ d’hier .. voici le lien http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-chevaux-de-findus-une-vieille-130387

  5. Tris Acatrinei (@Tris_Acatrinei) 12 février 2013 à 07:37 #

    Ce qui m’agace profondément dans cette histoire, ce sont tous les commentaires à moitié racistes que j’ai pu entendre et l’opprobre qui est jetée sur le fournisseur roumain alors que la chaîne de production montre bien l’opacité du truc.
    Mais bon, les Roumains sont devenus des boucs-émissaires bien pratiques ces derniers temps, que l’on accuse de tous les maux. Là-dessus, le passage entre le Gouvernement de Sarkozy et le Gouvernement d’Hollande n’a pas été d’un grand bouleversement.

  6. Jean-Luc M. 15 février 2013 à 21:12 #

    Rassuré de savoir qu’il existe malgré tout; des personnes informées, et à l’opposé de toutes celles et ceux, qui dans notre pays, véhiculent des clichés « à l’emporte-pièce » à l’égard de la Roumanie et de son peuple… Travaillant dans un hôpital qui emploie environ dix médecins roumains, inutile de vous dire les conneries que l’on peut entendre !… mais celà ne m’empêchera pas de poursuivre mes voyages en Roumanie,… j’en suis à mon 18ème depuis 2007…
    Un grand merci au journaliste pour son intégrité morale.

  7. Casius 19 février 2013 à 20:58 #

    Le meilleur de cette affaire est l’ipocrisie française bien consacré déjà. Les actionnaires de la société française mise en cause, sont venus à la télé en pleurant et refuser de reconnaitre leur faute avec toutes les preuves contre eux. Alors que les accusations jetées sur la Roumanie étaient sans preuves. Des excuses officielles peut-être ? Non ?

  8. Gérard Luçon 23 février 2013 à 13:12 #

    La societe francaise Spanghero appartient a 99% a Lur Berri ….. pourquoi parle-t-on de Spanghero et pourquoi couvre-t-on Lur Berri ?

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