En Transylvanie, le nouvel éclat des icônes sur verre

14 Avr

Par Mehdi CHEBANA

Depuis le XVIIIe siècle, de nombreux moines et paysans anonymes de Transylvanie fabriquent des icônes sur verre destinées à entretenir leur propre foi ou celle de leurs proches. Un musée regroupe, dans le petit village de Sibiel, l’une des plus grandes collections européennes en la matière.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)

Publié le 15 mai 2010 dans la revue Regard

Avec sa vingtaine d’icônes et ses crucifix fixés au mur, le salon de Dorina Dutkai a des allures de petite chapelle au décor surchargé. Pourtant, cette retraitée de Brasov n’est ni une nonne ni une fanatique religieuse. C’est une artiste qui perpétue, depuis vingt ans, une tradition séculaire : la peinture des icônes sur verre.

« J’ai besoin de m’isoler un peu comme un abbé, parfois je m’enferme pendant des jours, mais je ne suis pas une bigote pour autant ! », lance l’ancienne ingénieure avec malice. « C’est juste que j’aime les icônes. Celles sur bois, je les trouve trop ternes, alors, je les reproduis sur verre. »

Comme elle, de nombreux paysans et moines de Transylvanie choisissent de se fabriquer leurs propres icônes orthodoxes pour les offrir ou les accrocher chez eux. Tous suivent le même rituel vieux de trois siècles.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)

Il faut aussi un pinceau très fin pour le dessin des figures, un mélange de pigments, de jaune d’œuf et d’huile de lin pour la peinture, du bois pour le cadre et, bien sûr, une plaque de verre.

L’une des plus grandes collections en Europe

Très longtemps réservées à un usage privé, les icônes sur verre sortent progressivement de l’ombre. A Sibiel, petit village situé à 20 kilomètres de Sibiu, les touristes viennent de France, d’Espagne, d’Italie, de Russie ou d’Asie pour visiter le musée Zosim-Oancea.

Sibiel 5

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)

Ouvert en 1969, sous l’impulsion d’un prêtre qui a passé de longues années dans les geôles communistes, il abrite l’une des plus grandes collections d’icônes sur verre en Europe. Plus de 600 œuvres fabriquées et offertes par des anonymes de Transylvanie mais aussi du Banat et de la Bucovine où cette tradition s’est peu à peu répandue.

Il y a deux ans, le journaliste italien Giovanni Ruggeri a publié le premier livre de référence sur le musée, contribuant ainsi à mieux le faire connaître des touristes. Disponible en cinq langues, l’ouvrage propose notamment une classification par région et par style des œuvres exposées.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)

« Les étrangers commencent à se passionner pour notre musée mais, malheureusement, les Roumains ne suivent pas », regrette Nicolae Vintinu, l’un des prêtres de Sibiel. « Peut-être parce qu’il n’y a pas de Picasso ou de Monet de la peinture sur verre… En tout cas, nos maigres subventions ne nous permettent pas de chauffer le musée en hiver ce qui accélère la dégradation des œuvres.»

Le commerce d’icônes prospère pourtant…

Malgré l’esprit d’humilité qui a toujours sous-tendu la peinture des icônes sur verre, certains paysans n’hésitent plus à faire commerce de leurs talents. « Dès que des touristes passent chez moi, je leur propose de m’acheter les oeuvres », avoue Adriana Oltean, l’une des nombreuses aubergistes de ce village de 300 âmes. « Les prix montent parfois jusqu’à 100 euros l’unité. Mais quand je fais mes icônes, je prie et respecte les principes de base. Je n’ai donc aucun problème avec cette forme de commerce. », se défend-elle.

(©Roumanophilie/Mehdi Chebana)

A l’inverse, Dorina Dutkai met un point d’honneur à rester le plus fidèle possible à la tradition. « Je refuse de me lancer dans une logique industrielle», lance-t-elle. « Je n’aime pas cette obsession de vouloir tout monnayer, surtout quand il s’agit de religion.»

Retrouvez le site internet du musée de Sibiel : www.sibiel.net

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