Les Roms à la loupe

11 Sep

Par Mehdi CHEBANA

La moitié des Roms travaillerait au noir et les deux tiers n’auraient pas de revenus stables

Publié le 15 octobre 2010 dans Regard

Le terme « Roms », ou « Rroms », désigne un ensemble de populations originaires du nord-ouest de l’Inde qui partagent une langue et une culture ayant évolué différemment au contact des autres peuples. Fuyant leur région d’origine au Moyen-Age pour des raisons toujours inconnues, ils vivent principalement en Europe mais on les retrouve aussi en Turquie, en Iran, en Amérique ou encore en Australie. Leur langue, le romani, est le témoignage vivant de leur origine indienne : elle est riche d’au moins 900 racines sanskrites et hindi et comporte de nombreuses similitudes avec l’indien moderne.

Les Français les appellent « Manouches » ou « Romanichels », les Anglais  « Gypsies », les Espagnols « Gitans »…. Plusieurs mots pour un même peuple dont le nom officiel est bien celui de « Roms ». C’est ce terme signifiant « être humain », qui a été retenu lors du premier Congrès international des Roms, en 1971.  Contrairement aux idées reçues, les Roms ne sont pas des « gens du voyage » : dès le Moyen-Age, une majorité d’entre eux a adopté un mode de vie sédentaire, sauf en France et en Grande-Bretagne. Enfin, le terme « tsigane » utilisé en roumain est péjoratif. Le dictionnaire explicatif de la langue roumaine en fait un « épithète désignant une personne aux mauvaises habitudes ».

Combien sont-ils ?

Sur les quelques 10 millions de Roms qui vivent en Europe, un quart sont originaires de Roumanie. Les estimations varient toutefois entre 619 000 selon le dernier recensement organisé fin 2011 et 2 millions selon les ONG. La méfiance des Roms envers l’Etat roumain explique en partie cet écart, beaucoup préférant se déclarer roumains lors des campagnes de recensement. Par ailleurs, 840 000 Roms vivent en Bulgarie, 740 000 en Espagne, 440 000 en Hongrie, 420 000 en Slovaquie, 340 000 en Grèce. Au total, 15.000 Roms de Roumanie vivraient en France, une poignée face aux 350 000 à 500 000 Roms de nationalité française. Dans le monde, la population rom pourrait atteindre 12 millions de personnes

De l’esclavage aux déportations

Dans les monastères et les grands domaines seigneuriaux des principautés roumaines. les Roms ont servi d’esclaves pendant cinq siècles. L’abolition définitive de ce système de « robie » en 1856 ne leur laissera qu’un cours répit avant de redevenir des cibles pour l’Etat roumain. Ainsi, sur la base d’un recensement organisé en 1942 sur ordre du maréchal Antonescu, près de 25.000 Roms ont été déportés en Transnistrie. Les autorités roumaines les accusaient de vols, de crimes et de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins. Au total, 11.000 d’entre eux ont péri dans les camps transnistriens, selon le Rapport final de la Commission internationale sur l’Holocauste en Roumanie.

Métiers et savoir-faire traditionnels

Dès leur arrivée en Europe, les Roms se font remarquer pour leur habileté dans le travail des métaux. Forgerons, chaudronniers, ferblantiers, orfèvres ou encore couvreurs, ils ont longtemps excellé dans des métiers traditionnels et artisanaux qui aujourd’hui ne sont plus pratiqués. Beaucoup de Roms se sont également imposés comme des négociants au rôle essentiel puisqu’ils faisaient le lien entre les marchés des villes et ceux des campagnes. Des campagnes où une grande partie d’entre eux ont longtemps travaillé comme paysans, s’illustrant notamment dans le dressage des animaux. Enfin, la musique a toujours constitué une importante source de revenus pour les Roms, tant dans les villages que dans les villes.

Un marché du travail hermétique

Pour les communautés roms de Roumanie, dont 60% des membres vivent dans une extrême pauvreté, la chute du communisme a été synonyme de chômage et de paupérisation. Le racisme et leur faible niveau d’instruction se sont rapidement imposés comme de sérieux obstacles à leur entrée sur le marché du travail.  Ainsi, la moitié des Roms travailleraient au noir et les deux tiers n’auraient pas de revenus stables, selon une enquête publiée en 2013 par l’Agence pour le développement communautaire Impreuna. La crise mais aussi le faible rapport entre le revenu minimum garanti (100 euros) et le salaire minimum en vigueur en Roumanie (125 euros) poussent aussi nombre d’entre eux à tenter leur chance à l’étranger.

Faible accès à l’instruction

Un enfant rom sur deux ne va pas à l’école. Plusieurs rapports montrent que nombre d’entre eux ne sont pas scolarisés parce qu’ils ne peuvent pas fournir l’acte de naissance nécessaire pour l’inscription à l’école. Beaucoup abandonnent aussi le système scolaire avant de terminer le cursus primaire ou secondaire pour des raisons de pauvreté, de recours au travail infantile pour compléter le revenu de la famille et de manque de structures éducatives suffisantes. Par conséquent, on estime que 30 % des Roms adultes – âgés de 45 ans et plus – sont analphabètes.

Un racisme virulent

Plus de la moitié des Roumains avoue avoir une opinion négative voire très négative des Roms. C’est la conclusion d’un sondage publié en 2010 par l’Institut roumain d’évaluation et de stratégie (IRES). Selon cette enquête, 57% des Roumains seraient ainsi fermement opposés à l’entrée d’un Rom dans leur famille et 40% d’entre eux associent toujours les Roms à des actes de malveillance, à la mendicité et au vol. La politique de « retours volontaires » menée par la France inquiète également : 38% des Roumains estiment que le retour des Roms en Roumanie représente un danger réel pour leur sécurité et celle de leur famille, selon l’IRES.

Quels leaders ?

Depuis seize ans, le président de l’organisation Partida Romilor Pro Europa, Nicolae Păun, porte la parole des Roms à la chambre des députés. Un droit à la représentation parlementaire dont bénéficient 17 autres minorités officiellement reconnues par l’Etat roumain. Parallèlement, plusieurs personnalités s’affichent comme les représentants légitimes de la communauté rom. A commencer par Iulian Rădulescu qui s‘est autoproclamé « Empereur de tous les Roms », en 1993. De son côté, Dorin Cioabă a hérité en 2013 du titre officieux de « Roi international des Tsiganes », à la mort de son père Florin.

L’Union européenne s’implique

L’adhésion de la Roumanie en 2007 a poussé l’Union européenne à redoubler d’efforts pour favoriser l’intégration des Roms. Les associations estiment à plusieurs millions d’euros le montant de l’aide effectivement utilisée pour l’insertion des Roms ces neuf dernières années. Mais aucune autorité à Bucarest ou à Bruxelles n’est en mesure de préciser les chiffres. Il n’existe pas de fonds européen dédié directement aux Roms. Les sommes versées concernent des objectifs généraux et l’insertion des Roms n’est au mieux qu’un sous-objectif qu’il revient à Bucarest de budgéter.

2 Réponses to “Les Roms à la loupe”

  1. Rinso 22 janvier 2011 à 08:48 #

    Merci pour cet éclairage ! Très instructif

  2. Merci pour le partage. Pour ma part, en 1991, lors d’un voyage en Roumanie, j’ai été trés bien accueilli par cette communauté

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